Full text of letter from Alfred Dreyfus to Charles Dupuy

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(source: Alfred Dreyfus, Five years of my life, Fasquelle, 1901, p. 337-340):

 Mr. CHARLES DUPUY
 Minister of the Interior. - President of the council
 
Deposit of St-Martin-de-Ré, January 26, 1895.
 
 Minister,
 
I have been convicted of the most infamous crime a soldier can commit, and I am innocent. After my conviction, I was determined to kill myself. My family, my friends made me understand that, when I died, everything was over; my name, the name my dear children bear, dishonored forever. So I had to live!
 
My pen is powerless to retrace the martyrdom I endure; your French heart will make you feel better than I can do. You know, Minister, the missive letter that made up the charge against me. This letter was not written by me. Is it apocryphal? ... Was it really addressed, accompanied by the documents which listed there? ... Have they imitated my writing, with a view to targeting me specifically? ... Or should we only see a fatal similarity in writing?  So many questions that my brain alone cannot answer.
 
I am not coming to ask you, Minister, for mercy or pity, but only justice. In the name of my soldier's honor that I was torn away, in the name of my unhappy wife, in the name of my poor children, I come to beg you to continue your research to find the real culprit.
 
In a century like ours, in a country like France, imbued with the noble ideas of justice and truth, it is impossible that, with the powerful means of investigation at your disposal, you would not be able to clear up this tragic story, to unmask the monster who threw misfortune and dishonor in an honest family.
 
I beg you once again, Minister, in the name of what you yourself most dear in this world, justice, justice, by having research carried out. As for me, I ask only for oblivion and silence around my name, until the day when my innocence will be recognized.
 
Until I arrived here, I had been able to write and work in my cell, correspond with the various members of my family, write to my wife every day. It was a comfort to me, in the appalling situation in which I find myself, so appalling, Minister, that no human brain could dream of a more tragic one.
 
Yesterday still happy, having nothing to envy anyone! Today, without having done anything for it, thrown to the ban of society! Ah! Minister, I do not believe that any man in our century has endured such martyrdom. To have honor as high up as anyone in the world and to have it taken away by his peers; is there more terrible torture for the innocent!
 
I am, Minister, night and day in my cell, face to face with my brain, without any occupation. My head, already shaken by these tragic and unexpected disasters, is no longer very solid. Also, I would ask you to please authorize me to write and work in my cell. I will also ask you to allow me to correspond from time to time with the various members of my family (in-laws, brothers and sisters).
 
Finally, I was informed yesterday that I will only be able to write to my wife twice a week. I beg you to allow me to write more often to this unhappy child, who is in great need of being comforted and supported in the appalling situation that fate has made us.
 
Justice therefore, Mr. Minister, and work to allow his brain to wait for the dazzling hour when his innocence will be recognized, that is all that the most unfortunate Frenchman asks of you.
 
Please accept, Minister, the assurance of my high consideration.
 
Alfred Dreyfus.

Text of Letter in French

Voici le texte intégral de cette lettre célèbre d'Alfred Dreyfus (in Alfred Dreyfus, Cinq années de ma vie, Fasquelle, 1901, p. 337-340) :

LETTRE M. CHARLES DUPUY

Ministre de L'Intérieur. — Président du Conseil

Dépôt de St-Martin-de-Ré, le 26 janvier 1895.

Monsieur le Ministre,

J'ai été condamné pour le crime le plus infâme qu'un soldat puisse commettre, et je suis innocent.
Après ma condamnation, j'étais résolu à me tuer. Ma famille, mes amis m'ont fait comprendre que, moi mort, tout était fini ; mon nom, ce nom que portent mes chers enfants, déshonoré à jamais.
Il m'a donc fallu vivre !

Ma plume est impuissante à vous retracer le martyre que j'endure ; votre cœur de Français vous le fera sentir mieux que je ne saurais le faire.
Vous connaissez, monsieur le Ministre, la lettre missive qui a constitué l'accusation formulée contre moi.

Cette lettre, ce n'est pas moi qui l'ai écrite.
Est-elle apocryphe ?... A-t-elle été réellement adressée, accompagnée des documents qui y ont énumérés ?...
A-t-on imité mon écriture, en vue de me viser spécialement ?... Ou bien n’y faut-il voir qu'une similitude fatale d'écriture ?

Autant de questions auxquelles mon cerveau seul est impuissant à répondre.
Je ne viens vous demander, monsieur le Ministre, ni grâce, ni pitié, mais justice seulement.
Au nom de mon honneur de soldat qu'on m'a arraché, au nom de ma malheureuse femme, au nom enfin de mes pauvres enfants, je viens vous supplier de faire poursuivre les recherches pour découvrir le véritable coupable.

Dans un siècle comme le nôtre, dans un pays comme la France, imbu des nobles idées de justice et de vérité, il est impossible que, avec les puissants moyens d'investigation dont vous disposez, vous n'arriviez pas à éclaircir cette tragique histoire, à démasquer le monstre qui a jeté le malheur et le déshonneur dans une honnête famille.

Je vous en supplie encore une fois, monsieur le Ministre, au nom de ce que vous avez vous-même de plus cher en ce monde, justice, justice, en faisant poursuivre les recherches.
Quant à moi, je ne demande que l'oubli et le silence autour de mon nom, jusqu'au jour où mon innocence sera reconnue.

Jusqu'à mon arrivée ici, j'avais pu écrire et travailler dans ma cellule, correspondre avec les divers membres de ma famille, écrire chaque jour à ma femme.
C'était pour moi une consolation, dans l'épouvantable situation dans laquelle je me trouve, si épouvantable, monsieur le Ministre, qu'aucun cerveau humain ne saurait en rêver une plus tragique.

Hier encore heureux, n'ayant rien à envier à personne ! Aujourd'hui, sans avoir rien fait pour cela, jeté au ban de la société ! Ah ! monsieur le Ministre, je ne crois pas qu'aucun homme, dans notre siècle, a enduré un martyre pareil. Avoir l'honneur aussi haut placé que qui que ce soit au monde et se le voir enlevé par ses pairs ; y a-t-il pour un innocent une torture plus effroyable !

Je suis, monsieur le Ministre, nuit et jour dans ma cellule en tête à tête avec mon cerveau, sans occupation aucune. Ma tête, déjà ébranlée par ces catastrophes aussi tragiques qu'inattendues, n'est plus très solide. Aussi, vous demanderai-je de vouloir bien m'autoriser à écrire et à travailler dans ma cellule.

Je vous demanderai aussi de me permettre de correspondre de temps en temps avec les divers membres de ma famille (beaux-parents, frères et sœurs).
Enfin, j'ai été avisé hier que je ne pourrai plus écrire que deux fois par semaine à ma femme. Je vous supplie de me permettre d'écrire plus souvent à celle malheureuse enfant, qui a si grand besoin d'être consolée et soutenue dans l'épouvantable situation que la fatalité nous a faite.

Justice donc, monsieur le Ministre, et du travail pour permettre à son cerveau d'attendre l'heure éclatante où son innocence sera reconnue, c'est tout ce que vous demande le plus infortuné des Français.

Veuillez agréer, monsieur le Ministre, l'assurance de
ma haute considération.

Alfred Dreyfus.


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